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454 MAURICE SIMONNET. jeu pour lui, lorsqu'il avait une lettre à faire à un vieil ami, de la lui improviser en vers. C'était un charme de le voir, un charme de le lire, et plusieurs de ceux qui furent honorés de son amitié, conservent encore ces épîtres char- mantes où son imagination servait si bien les délicatesses et les tendresses de son cœur. Sous le vers, on sentait fré- mir la plume, sous l'expression, brûler et briller le feu de son âme et cette plume si vive et si facile, éternelle louange lui soit vouée, ne laissa jamais tomber une goutte de fiel, ne traça jamais une parole amère. Ses amis assurent qu'il n'eut jamais d'ennemi, nous ne croyons pas qu'il soit appelé de ce jugement. Mais la poésie ne nourrit pas ; la littérature n'est pas un métier, à moins qu'on ne se fasse journaliste et à l'époque de la jeunesse de Simonnet, les journaux faisaient une bien moins grande consommation d'écrivains que de nos jours. Il fut décidé que Maurice ferait son droit et que, reçu, il serait avocat. Il partit, fit son droit, revint, mais la Muse est une cruelle qui ne lâche pas si facilement sa proie. Maurice, à Lyon, fit.de tout, excepté de la jurispru- dence, ou plutôt, pour ne pas donner lieu à de fausses in- terprétations, Maurice, à Lyon, fit plus de prose et de vers que de plaidoyers, de jurisprudence et de droit. Les vieux tilleuls de Bellecour tombaient-ils sous une hache barbare, Maurice en faisait une pièce de vers délicieuse pour la Revue du Lyonnais ; un ami mourait-il, Maurice, les larmes aux yeux, écrivait une élégie ; une fête s'organisait, la chanson de Maurice en était l'attrait principal. Il vivait ainsi, plaidant peu et rimant beaucoup, quand la Providence lui ménagea encore un de ces bonheurs dont, depuis son enfance, elle lui avait été si prodigue. M. Laforest, riche avoué de Trévoux, après avoir marié sa fille aînée, Songea, devoir doux et délicat, devoir de père, à établir et à bien établir sa dernière enfant.-Une étude ancienne et bien achalandée devait, au besoin, servir de dot. Maurice fut apprécié, agréé ; ce doux et for-