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302                      BIBLIOGRAPHIE.

qu'une légère critique; c'est que M. Petrequin ait cru devoir
parfois prendre trop au sérieux des descriptions tout entières
écloses de l'imagination du poète, et qui n'ont aucun fondement
réel. Il y a là vraimenf un excès de eonflance. Ah! pour Homère
cette confiance n'est que justice. Homère, on n'en saurait douter,
a vu des combats, et il les a décrits tels qu'il les a vus. Un ami
de M. Petrequin, un savant illustre, enlevé il y a quelques mois
au collège de Franee, M. le docteur Daremberg, a montré que
les blessures et les opérations chirurgicales décrites par Homère
sont d'une exactitude irréprochable, même aux yeux de la méde-
cine moderne. Mais ce qui est vrai pour Homère ne l'est point
pour Virgile, encore moins pour Stace, pour Lucain, pour Silius.
Italicus, vrais hommes de lettres, qui ont écrit dans leur cabinet,
qui n'ont vu les combats, comme les tempêtes, que dans les
livres de leurs devanciers, dont ils imitaient, de confiance, les
descriptions, en cherchant à les rajeunir par des exagérations,
et quelquefois par des inventions bizarres. Lucain, par exemple,
décrit un guerrier atteint d'une flèche qui s'est implantée dans
l'orbite gauche et lui a transpercé l'œil. Il est déjà couvert d'au-
 tres blessure,. N'importe ; rompant lui-même tous les muscles
qui attachent le globe sanglant, il arrache sans émotion {intre-
pidus) la flèche et l'œil qu'elle tient suspendu ; il les foule aux
 pieds l'une et l'autre :

         111e moras ferri, nervorum et vincula rumpit,
         Affixam vellens oculo pendente sagittam
         Intrepidus, telumque suo cum lumine ealcat. (VI. 214.)

   M. Petrequin qui se moque justement de ce ridieule et im-
possible héroïsme, n'a-t-il pas été quelquefois un peu indulgent
pour des descriptions moins absurdes sans doute, mais non
moins fantaisistes?
   Qu'il permette eneore à un professeur de littérature ancienne
de discuter le sens qu'il attribue à un vers d'Horace. C'est le
fameux vers de l'Art poétique (361) Ut pictura poesis erit. M. Pe-
trequin l'entend (comme beaucoup d'autres, du reste) en ce
sens, que la poésie peint par les mots comme la peinture, par les