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VIVE LA FRANCE! NOUVELLE DAUPHINOISE I Il y a des villes et même des villages qui semblent vraiment prédestinés. Le joli bourg de C . . . avait pour- tant la prétention de s'ennuyer sous son beau ciel méri- dional , — non pas qu'il eût l'audace ' de poser pour le • spleen, cette maladie byronienne, bonne tout au plus pour les pâles insulaires, cousins-germains de John Bull, mais qui n'aura jamais droit d'asile à la campagne, car C... est admirablement situé. Il s'endort et s'éveille au pied d'une gentille petite colline, chargée de verdure, entourée de haies charmantes, où les oiseaux son't en liesse du matin au soir, chantant à qui mieux mieux, et se passant fort bien de riches di- lettanti, pour admirer leurs vocalises, mais heureux d'être écoutés par des marmots aux joues roses, aux grands yeux sauvages , qui, eux, ne connaissent pas le mal d'ennui, pas plus que le mal d'amour, du-moins pour le moment. Vive la gaité en sabots ou pieds nus, lorsque vient l'eni- vrante primavera ! Saura-t-on jamais toute l'adorable in- souciance de ces enfants élevés en pleins champs, se bousculant pour se caresser, se roulant dans l'herbe nou- velle, cueillant des mûres aux buissons, des jonquilles ou des pâquerettes dans les prairies, aspirant, de toute la force de leurs poumons juvéniles, l'absinthe de l'air bal- samique, dévorant de longues tartines de pain noir et de beurre d'or, au milieu de ces frais éclats de rire qui reten- tissent comme une musique ingénue, gardant les chèvres légères, dont les yeux clairs etmutins les regardent comme pour les admirer !