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               UNE ARRESTATION EN DAUPHINÉ.               479

bien cruel, ils étaient oubliés, et il n'y avait plus que nos
deux fonctionnaires qui en fissent leur préoccupation jour-
nalière.
   L'aide-major ne tarda pasUui-même à en faire la remar-
que : Mme de Gaétan était à peu près remise et se prome-
nait déjà dans le jardin de l'hôtel. Il n'y avait pas un mo-
ment à perdre : il courut chez le président, trop fatigué par
sa triste position pour chicaner sur la voie qui l'en ferait
sortir, obtint son consentement, et un matin fit enlever ses
prisonniers, les établit du mieux qu'il put dans le spacieux
arsenal de Grenoble ; puis, tout surpris de sa propre au-
dace, il se tint quelque temps à l'écart et ferma l'oreille
aux justes plaintes que les caresses dont il les avait com-
blés jusqu'alors ne rendaient que trop légitimes.
   On parla trè s -vivement, pendant deux j o u r s , de cette
espèce de violence , mais dans les rues de la ville seule-
ment, car les derniers salons étaient fermés jusqu'à l'hi-
ver. Mme la duchesse de Lesdiguières fit demander des
explications, on lui en donna, et elle garda le silence, sans
qu'on sût précisément si elle était satisfaite ; bientôt on
n'en parla plus , c'était déjà de l'histoire ancienne , et nos
prédécesseurs , qui différaient de nous sous tant de rap-
ports, étaient bien nos frères pour la légèreté et le manque
de mémoire.. Deux hommes seulement se rappelèrent
les prisonniers espagnols plus longtemps que les autres,
c'étaient ceux qui en furent si embarrassés ; encore n'en
 parlaient-ils guère entre eux que pour témoigner leur sur-
 prise du peu de suite'qu'avait eue cette affaire !
    Quant à dire précisément ce que devinrent, à l'arsenal de
 Grenoble, M. le duc et M me la duchesse de Gaétan, aux-
 quels nous avions fini par nous intéresser, parler de leur
 tendre affection , des longs ennuis de leur captivité, si elle
 s'y est prolongée; de leur si (joyeux retour, s'il ont revu
 leur chère patrie , ce n'est réellement pour nous plus
 chose possible. Quand, dans un siècle passé, la mort sai-
 sit une victime, elle jette parfois une histoire ou seulement
 un nom sur le bord de la tombe.....
    Mais quand c'est l'oubli !. ..                  H. SE P.