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                 APPROCHE, SI TU ES HABDI !                   63

pour aider à son entreprise. Favier chercha de la verveine,
de l'ancolie et quelques autres herbes qu'il hacha, pila et
trempa dans le bénitier de la chapelle des morts, dans le
vieux cimetière de Renaison, il les fit bouillir et s'abreuva
de cette eau merveilleuse.
   Puis il se remit à veiller dans le pré, à la lueur de la
lune, à la fraîcheur de la rosée. Il devait passer ainsi neuf
nuits, la neuvième étant celle de la Saint-Jean, durant
laquelle esprits, follets, lutins et fayolies courent les
champs et font leurs rondes légères.
   Plus cette bienheureuse nuit approchait, plus le gars
devenait pensif, mêmement il dit dévotement son chapelet
et prit ses habits du dimanche ; il clignait ses yeux rougis
par les veilles, et se sentait tremblotter comme d'une
petite honte ou d'un brin de fièvre ; mais il tint bon à son
poste et la nuit de la Saint-Jean arriva belle, claire, étoilée
et parfumée.
   Ce soir-là, le garçon avait pris pour se donner du cou-
rage une gourde de vin ; de bonne heure il fut sous le
poirier ; l'arbre était couvert de boutons ou de fleurs entr'ou-
vertes, si bien qu'on l'avisait de loin emmi les noyers, les
frênes et les hauts coudriers, arrondissant ses branches
comme une boule blanche ou un gros bouquet tranchant
sur l'herbe verte; les papillons et les mouches à miel bour-
donnaient à l'entour ; le tronc gris et rouge, noueux, avec
des mousses, des barbes, des drageons, se divisait en plu-
sieurs grosses épars (1) tordus ; mais le pied était creusé
d'un trou comme un vieux saule ; les vers, les bourdons,
les oiseaux avaient piqué l'arbre et la sciure du bois tom-
bait brin à brin, emportée par les masettes (fourmis).
   C'était sous cet arbre qu'en temps de pluie les bergères
se mettaient à l'abri, et les moutons, fuyant le gros soleil
de midi, s'y rangeaient en bande, les têtes baissées.
   Favier osa quitter sa cachette à travers les noisetiers et

  (1) Les grosses branches d'un arbre abattu.