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                           CIIRONrQUE LOCALE.                            323
   Voici maintenant un de ces charmants badinages qui font oublier les sou-
cis et les déboires, et qui volontiers raccommodent avec l'humanité. Il est
question du numéro de la Revue qui contenait l'article sur l'Ordre du
Moment.
   « . . . Monsieur, comme vous aimez la gaîté, je transcris l'aimable lettre
que m'écrit une amie de pension, qui habite Avallon, celte jolie ville où
tout fleurit, où tout murmure. Cette dame a mis, dans sa jeunesse, sous
un pseudonyme, quelques poésies dans des journaux parisiens, puis elle
s'est mariée, a eu huit garçons et une lille... en voilà de la poésie
biblique! Tous ces enfants vivent, travaillent et sont aimables comme
père et mère. Veuillez donc lire toutes ces gentilles folies :
                             A mon ermite Aglaé
         Oh ! maudite sois-tu, trop oublieuse amie!
         Quoi ! tu veux soulever ton voile de féerie !
         De mystère et d'oubli toi qui t'enveloppais,
         Tu te fais imprimer! Oh ! oui, oui, je le sais ;
         Et tu ne le dis pas à ta rieuse Hortense,
         A celle qui ferait plus d'une émeute en France,
         Pour peu que le tapage eût de charme pour toi?
         Hélas! pour l'amitié fiut-il aussi la foi?
         J'étais, avant-hier, chez ma cousine Rose ;
         Une dame lisait, Dieu ! la charmante chose !
         Les faits des Chevaliers de l'Ordre du Moment,
         L'art d'embellir ses jours d'honneur, de sentiment !
         Pour voir plus lot le nom de cet auteur aimable,
         Je m'approehe, en courant, je renverse une table,
         Je lis. . . ai-je bien vu?.. je ne me trompe pas !
         Oh! non, c'est bien cela, c'est : Aglaé Gardaz!
         Je plante ma cousine à la docte parole ;
         Vite, pour Avallon, je pars comme une folle,
         J'arrive, Albert me dit : Votre air est rayonnant,
         — C'est que je connais l'art d'embellir le moment,
         C'est ma chère Aglaé qui vient de me l'apprendre ;
         Alors, il prend un air que je ne puis te rendre :
         — Aglaé, dites-vous? — Tais-toi donc, animal,
         Je dis qu'elle est auteur, tiens, vois-tu le journal ?
         Mon mari, qui buvait, laisse tomber son verre,
         Moi, pour le ramasser, je glisse jusqu'à terre;
         Minet, saisi de peur, saute jusqu'au plafond ;
         La bonne, accourt au bruit. — Jésus, qu'est-ce qu'ils ont?. .
         Mon époux étouffait ; tu sais comme il sait rire ;
         Mais, voyant sa terreur, il peut encor lui dire :
         Lai'sse^-nons un moment. — Vois-tu ce mot gentil,
         Venant si bien à point, pour tripler mon babil ?
         Enfin, j'allais conter.. . Soudain, mon oncle arrive,
         Tu sais, l'oncle Joseph à la parole vive :
         Ses quatre-vingt-six ans n'ont pu le ralentir :
          — Sur votre rossignol, pourquoi tant discourir?
          Il n'est jamais trop tard pour faire un joli livre ;
          C'est le plus sûr moyen de plaire et de revivre,
         Quand soixante printemps ont rayonné sur nous. —
         — Jiravo ! l'oncle Joseph a plus d'esprit que tous.
          Le voilà résolu, ce très-ardu problème...
          Adieu, charmante ermite, ah! tu sais si je t'aime.