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LA FONTAINE DU DIABLE. 227 soir s'étala sur une nappe d'une extrême blancheur ; des vases remplis d'un lait savoureux furent servis avec du beurre, des compotes, du miel doré et le pain des jours de fête. Diane de Poitiers, son amie et Madeleine trouvè- rent excellent le repas frugal, qu'un bouquet de fleurs magnifiques avait orné fort galamment. — Il nous a manqué un convive, dit André; mon frère Joseph n'a pu venir, étant retenu chez M. l'échevin. — Ah ! c'est vrai, ajouta la duchesse, pourtant je vou- drais bien connaître ce charmant poète. Comme on se levait de table, notre beau Joseph ar- riva. Il y avait dans sa démarche, dans sa tenue, tant de distinction, il s'inclina avec tant de douce dignité et de courtoisie de bon aloi, sans afféterie aucune , que Diane fut frappée de la prestance et de la beauté hors ligne du jeune homme. — Monsieur, j'ai entendu parler de vous d'une telle façon que je désirais vivement vous voir. Joseph s'inclina de nouveau, plus gracieusement en- core. — On vous dit brillant chanteur et sur votre front cela est écrit en caractères ineffaçables. Donc je vous salue poète! je le fais avec un sincère plaisir; j'adore la poésie qui nous berce, qui nous fait rêver en adoucissant nos chagrins; j'aime la belle nature, source de toute poésie, et je reviens joyeuse à Etoile, parce que la campagne, qui entoure mon castel est charmante. Mais, avez-vous au moins quelqu'un qui vous comprenne comme moi ? Les grands yeux bleus étincelauts de Joseph s'arrêtè- rent, avec une passion naïve, sur l'adorable visage de Madeleine. Diane surprit cet éloquent regard et sourit doucement. • Voilà donc la muse, dit-elle; elle est parfaitement —