page suivante »
150 LES RICHESSES DE M. ALEXIS. De son pas le plus dégagé, il se rend chez M. Trimolet, dépose adroitement les trois cents francs sur la cheminée, remercie cha- leureusement, loue la toile, déclare qu'il est très-satisfait et s'en va. Le lendemain il reçut le billet suivant : « Mon bien cher ami, « Je savais bien que vous me porteriez bonheur. Depuis votre portrait tout me réussit. J'en suis ahuri, c'est étourdissant. Jus- qu'à la fortune qui m'arrive pendant que je dors. Imaginez-vous que ce matin j'ai trouvé trois cents francs sur ma cheminée et cependant ma porte était fermée et personne n'a pu pénétrer chez moi cette nuit. Je ris, je danse, je chante, je suis heureux ; je ne doute plus de l'avenir, j'ai la chance pour moi, j'ai le vent en poupe. Vive la joie, mon cher ami ! je vois tout en rose autour de moi. « C'est à vous que je dois d'être désensorcelé, merci, mille fois. « Votre ami reconnaissant et tout à vous, « TRIMOLET. » Que dire de cette manière noble et délicate de remercier sans compromettre sa dignité, sans blesser aucun amour-propre ? on reconnaît bien là le cœur sensible, l'âme élevée de Trimolet. Celte action lui sera comptée dans sa vie Pour sa gloire, ce billet vaut son meilleur tableau. Malgré la passion de M. Alexis pour la peinture, les œuvres des maîtres sont trop connues et trop appréciées pour que l'hum- ble bourse d'un particulier puisse y atteindre, mais les dessins, les croquis, les lavis, les gouaches, les gravures, les épreuves hors ligne étaient entassés, amoncelés, emmagasinés dans les al- côves, les commodes, les placards en nombre suffisant pour en- richir ou même former un musée. Sa collection de gravures est la plus belle, la plus complète et la plus précieuse de Lyon. Lui- même aujourd'hui ne sait plus au juste quelle en est la valeur. Pendant que nous nous acharnions à cette œuvre de décou-