Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
                  LES CHASSEURS DE RENNES.               425

barbouilla en rouge avec de la sanguine, et, saisissant
 une pointe acérée de silex, me perça la narine gauche,
 ayant même que j'eusse pu prévoir ce qu'elle allait
 faire.
   Je poussai un cri. Elle rit de plus belle.
   — Relève-toi, me dit-elle, et va te regarder dans l'eau.
Tu es superbe! Il ne te manque plus qu'une épine dans
le nez !
   J'aurais eu tort de me fâcher. Je me levai et j'allais
sortir à la recherche d'une épine, lorsque, sur la porte,
je me trouvai en face du docteur, qui me reconnut après
une courte hésitation.
   — Oh ! mon ami ! s'écria-t-il en levant les bras au ciel
d'un air consterné, vous me faites une peine profonde !
   Je me retournai vers I-ka-eh.
   — Voici mon ami , lui dis-je. Ce cher homme est
fâché qu'il n'y ait pas une seule de vos faveurs pour lui.
   — Qu'il entre ! s'écria-t-elle en battant des mains et en
riant. Nous allons l'habiller aussi !
   Comme le docteur restait sur la porte , pétrifié comme
la statue du Commandeur, elle sortit, le saisit à deux
mains et, avec mon aide, l'équipa en chasseur de renne,
malgré toutes les protestations du pauvre homme, qui
s'exclamait :
   — Mais c'est stupide ! C'est absurde ! ayez pitié de
moi ! Un géologue ! un docteur !
   J'avais saisi le rouge pour le lui appliquer moi-même,
lorsque I-ka-eh m'arrêta.
   — Tu es fou ! Mettre du rouge à un peureux qui tombe
à la renverse devant un tigre ! Jamais ! Laisse-moi faire.
   Un instant après, le docteur avait le visage luisant,
ciré, frotté, sous une épaisse couche d'os brûlé du plus
beau noir.