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ÉTUDE SDR LE PATOIS LYONNAIS. 61
— Oh ! princesso, que, tant poulido,
Agués la lengo tant marrido !
Ah ! princesse, comment se fait-il que, si jolie, vous
ayez la langue si méchante? il y a de quoi se jeter par
terre stupéfait !
« Quoi! vous amoureuse de moi? de ma pauvre vie en-
core heureuse, n'allez pas vous jouer, Mireille, au nom de
Dieu ! Ne me faites pas croire des choses qui là dedans
une fois enfermées seraient la cause de ma mort. Mireille
ne vous moquez plus de moi ! »
— Que Dieu jamai m'emparadise,
Se ïa messorgo en ce que dise !
Vai, de creire que t'ame acô faipas mouri,
Vincent
Oh! ne dites plus des choses pareilles ! De moi à vous,
il y a un labyrinthe. Du Mas des Micocoules , vous êtes la
reine devant qui tout plie — Moi, pauvre vannier de
Valabrègue, je ne suis qu'un vaurien, Mireille, un batteur
de campagne !
Et la gentille fillette de la Crau de lui répondre avec cet
air décidé des vierges qui ont mûri sous le chaud soleil du
Midi:
Eh ! que m'enchau que-moun frigaire
Siegue un barouno paniéraire!
Et que m'importe que mon bien-aimé soit un baron ou
un vannier ! pourvu qu'il me plaise, à moi ! répondit toute
en feu, comme une lieuse de gerbes, la jeune fille de la
Crau.
Devant la vierge ravissante, lui resta interdit, comme
des nues un oiseau fasciné qui tombe peu à peu. Tu es donc
magicienne, dit-il brusquement, pour que ta vue me
dompte ainsi, pour que ta voix me monte à la tête et me
rende insensé comme un homme pris de vin ? Ne vois-tu
pas que ton embrassement a mis le feu dans mes pensées ?