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440           LE PAGE DU BARON DES ADRETS.

ses dames qui aiment la poésie et la cultivent, à ne pas
fréquenter une femme qui s'habille en homme et qui
chante l'amour. Parmi ceux que je vois le plus volon-
tiers est un éloquent avocat dont les poésies latines fe-
ront vivre le nom éternellement. Claude Rousselet est
seigneur de la Part-Dieu, une ferme isolée dont nous
verrons bientôt les toits au milieu de ces grands arbres
et de ces marais. Le fermier m'est dévoué et si les servi-
ces qu'il me rend sont largement payés, il sait aussi
que son maître est de moitié dans mes secrets. Depuis la
persécution des catholiques, depuis que le clergé est
poursuivi, ruiné, que de prêtres, de religieuses, de moi-
nes nous avons sauvés, conduits sur les terres de Savoie
et arrachés aux vengeances des huguenots ! Eh bien !
qui sait si, un jour, ces déguisements que je prends, ces
 courses habillée en homme, ces longues et nocturnes
 chevauchées avec des cavaliers et des soudarts, ne me
 seront pas reprochées comme une marque de ma démo-
 ralisation, comme une preuve de ma légèreté et de mon
 inconduite !
   — La postérité vous vengera, Louise, et vous paraît
trez radieuse et pure aux yeux de nos petits-neveux.
   — Hélas! qui sait si on s'occupera de moi et si la
postérité connaîtra mon nom et mes vers ? Pour le mo-
ment ma devise est : Bien faire et laisser dire.
   En ce moment les deux jeunes femmes atteignirent
l'enfant qui marchait devant elles. Le soleil de midi res-
plendissait, chauffant les marécages; une odeur humide
etfiévreuses'élevait du sol ; les insectes bourdonnaient ;
parfois un oiseau d'eau s'élevait et fuyait rapide ; aucun
être humain ne paraissait à l'horizon.