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LE PAGE DU BARON DES ADRETS, 431
dignité, honteux aussi peut-être de montrer la jalousie
qu'il éprouvait parfois contre la supériorité de sa femme,
le vieux cordier se tut; puis montrant l'extrémité du
jardin du côté de Béilecour :
— Va la rejoindre par là , dit-il; elle est avec son
amie, la dame Pernelte, et Dieu sait les idées qui pas-
sent et les paroles qui volent quand deux êtres comme
elles se rencontrent. On dit qu'elles font de la poésie ;
j'aime mieux faire des cordages, moi; cela est plus
solide et cela rapporte pins. Et toujours grommelant,
toujours grondant, le vieillard, jetant un dernier regard
à sa servante, se dirigea vers la maison.
La belle Cordière s'approchait avec son amie. Marianne
en les voyant mil un doigt sur ses lèvres, Louise et Per-
nelte s'arrêtèrent, muettes de stupéfaction.
Voici vos épreuves, Madame, dit le jeune apprenti en
levant son bonnet, Messire Jean attend votre bon à tirer.
— Donne, reprit Louise, qui cherchait une conte-
nance et qui ne voulant pas trahir le secret de Marianne,
se mit à lire à haute voix :
Ne reprenez, dames, si j'ay aimé ;
Si j'ay senti mille torches ardentes,
Mille travaux, mille douleurs mordantes;
Si, en pleurant, j'ay mon temps consumé.
Las ! que mon nom n'en soit par vous blâmé.
Si j'ay failli, les peines sont présentes.
N'aigrissez point leurs pointes violentes ;
Mais estimez qu'Amour, à point nommé,
Sans votre ardeur d'un Vulean excuser,
Sans la beauté d'Adonis accuser,
Pourra, s'il veut, plus vous rendre amoureuses ;