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NÉCROLOGIE. 419, lettré des anciens âges, à vingt journaux qui ne lui don- nent rien en retour, si ce n'est un abonnement — qu'il paie. » Nous ne parlerons pas de ses vertus privées ; ce sont là des secrets qui perdent beaucoup à être éventés : mais ce que nous tenons à bien marquer en terminant, c'est le double rôle de notre Petit-Senn, à la fois Horace et Mécène ; c'est cet amour des lettres qui, dans sa lon- gue carrière, ne le quitta pas un seul instant, c'est cette passion fervente et fidèle qui lui fit défendre constam- ment, même à une époque où il était presque seul, contre la sécheresse des uns, contre la pédanterie des autres, la cause de la fantaisie et de l'imagination, les droits de la muse. A tous les poètes, jeunes ou vieux., ses frères ou ses fils., il ouvrait libéralement sa maison, son fameux tiroir plein de vers, sa bourse au besoin quand ils étaient pauvres ; il publiait leurs volumes à ses frais, même quand ils n'étaient plus là pour le remercier. C'est à lui que nous devons le premier ouvrage de Charles Didier, le livre posthume de Galloix. Voilà des services qu'onn'a pas le droit d'oublier à Genève. Petit-Senn laisse une grande place vide. On regrettera longtemps, avec une estime croissante, ce poète (chose rare!) qui aimait les poètes, ce charmant esprit qui avait si bon cœur. » Marc MONNIER.