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334 I.E PAGE BU BARON DES ADF.KTS. avaient su gré de n'avoir pas mis complètement la ville à sac. L'approche de Montbrun l'avait éclairé sur sa posï - tion ; sa jalousie contre ce rival l'avait porté à un acte de vandalisme qui devait le couvrir de honte aux yeux de la postérité, mais qui arrachait à la dénonciation et au fanatisme les armes qu'ils allaient tourner contre lui. Montbrun, ulcéré par la défaite, ne trouverait plus Beaumontfavorable aux catholiques; les flammes terri- bles qui, comme un volcan, s'élevaient au-dessus de la montagne de Saint-ïrénée, disaient assez haut quelles étaient les opinions du farouche ravageur, et cependant le baron n'était pas satisfait ; son âme était, troublée, sa conscience souffrait et il sentait que si Montbrun n'a- vait aucun reproche à lui faire, Flavio ne lui marchan- derait pas son mécontentement. Entouré d'officiers et des notables de la ville qui, pâles et cherchant à faire bonne contenance, n'osaient ni louer ni désapprouver la destruction du couvent, orgueil de la cité, Beaumont mangeait en silence; il attaquait les mets avec une sombre attention qui lui permettait de n'adresser la parole à personne et d'être sourd aux pro- pos échangés à voix basse autour de lui. Par contre, les vieux vins de la côte du Rhône disparaissaient rapide- ment devant la coupe que sans cesse remplissait son échanson. A chaque rasade, son front s'assombrissait encore; le sang montait à ses joues brûlées par le soleil des marches et des camps, et son regard devenait à chaque instant plus dur et plus sévère sous les gros sour- cils que l'émotion plissait. Les hommes sages frémis- saient au fond de leurs pensées de l'orage qu'annon- çaient de pareils éclairs. Pour qui connaissait le baron.