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PU L'HOMME. 271 pour nous faire louer, écrit Nicole. » Comme si la société admirait et louait ceux qui la fréquentent, et comme si le contraire n'était pas vrai ! Il serait plus juste de prétendre que nous aimons la solitude parce- que la malignité des hommes réunis nous blesse ; car il est certain que les hom mes, rassemblés par les plaisirs frivoles de la société, montrent, en général, plus de malignité que de bienveil- lance, et que c'est surtout, dans les réunions, qu'on s'ob- serve, qu'on se toise, qu'on se combat, qu'on pose, qu'on se grossit ou se rapetisse respectivement. — Les abeilles, les moutons, les castors se fuient-il eux-mêmes quand ils se mettent en société de travaux? Non. Il y a des espèces sociables comme des espèces solitaires; l'homme est socia- ble, c'est là sa nature. Le monde élégant et la société polie sont une production moderne ; les hommes qui cherchent la société cherchent non le monde élégant, mais la compagnie, j'entends par là le concours. Us cherchent les secours, les épanchements que les hommes réunis se procurent et que le monde élé- gant restreint ou empoisonne. Le solitaire est voué à la contemplation ; l'homme mon- dain est presque prédestiné à la contemption ; tandis que celui-ci pose, l'autre se repose; pendant que le mondain médit, le solitaire médite. Ce sont là des choses fort diffé- rentes qui enseignent sinon à mépriser le monde, où tout n'est pas bien, du moins à faire cas de la solitude où tout n'est pas mal. L'Imitation de Jésus-Christ recommande la solitude; mais « cette solitude «vec Dieu » qui remplit notre soli- tude ; la solitude dans la contemplation et la prière. C'en est assez pour soustraire l'homme au vide de sa seule personnalité; c'est en. ce sens que Pascal l'entendait comme Gerson. L'homme est double : il est intérieur et extérieur. Quel- quefois l'homme extérieur et l'homme intérieur concordent : quelquefois l'homme extérieur voile ou dément l'homme