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250 BIBLIOGRAPHIE. meurt pas sans avoir épousé Pernette. Ces noces solennelles et funèbres forment le septième et dernier chant. C'est sans contester une des plus belles inspirations de la poésie moderne, et il est impossible d'unir plus de simplicité à plus d'élévation, plus de force à plus de douceur péné- trante. Il y a là des vers admirables qui touchent au su- blime. Telle est cette œuvre magistrale. L'auteur l'a terminée par un épilogue où il suit Pernette dans sa longue existence de veuve. Les beaux vers y abondent encore ; mais il m'est impossible de ne pas regretter la longueur de cette fin, et l'inévitable redite où s'engage le poète en nous peignant la mort et l'ensevelissement de Pernette immédiatement après ceux de Pierre. Ces deux données identiques, répétées coup sur coup se nuisent, et la seconde faiblit devant la forte impression laissée par la première. Puisque j'en suis aux critiques, il y en a une que je voudrais prévenir. Deux fois, dans le courant du poème, on rencontre cette expression : les viles multitudes. Il ne faudrait pas s'y méprendre. C'est une traduction de l'antique projanum vulgus que l'on a toujours permise aux poètes. Cependant, comme nous vivons dans un temps de démocratie plus affichée que réelle, —en tous cas très- susceptible,—et que, de plus, le thème de Pernette touche à la politique, ces mots qui ont soulevé des orages à la tribune, pourraient paraître également malsonnants dans la poésie; il nous suffira de répondre aux esprits malveil- lants que, si l'on veut attacher à cet hémistiche un sens politique ou social, il ne signifie pas autre chose que l'horreur de la tyrannie du nombre et de l'ignorance brutale. En tout état de cause, je le confesse, il vaudrait mieux s'abstenir de ces épithètes méprisantes, surtout quand on parle en général. Si les multitudes sont viles parfois, à qui la faute, si ce n'est à l'État, à la société, c'est-à -dire à tout le monde? Ne les méprisons pas, mais ne les flattons pas, ce qui serait encore une autre forme de mépris et la pire.