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BIBLIOGRAPHIE. 233
Qui nous ôta l'honneur et corrompit 1'liistoirc
• En nous tenant quinze ans gorgés de fausse gloire ;
Qui courba lant de fronts fiers devant les bourreaux,
Qui fit tant de laquais avec tant de héros ;
Ce contempteur profond de la nature humaine,
Qu'il nous faut, Ã jamais, charger de notre haine !
L'invasion du sol, les périls d'aujourd'hui,
Nos propres lâchetés, tout est son œuvre à lui ?
Chacun, lui rétorquant sa première insolence,
A droit de lui crier : Qu'as-tu fait de la France ?..,
Plus loin, dans l'épilogue, le poète, en son nom cette
fois, dit encore, en parlant de Pernette assise au tombeau
de Pierre :
Elle nous racontait, dans ce lieu solennel,
Ce règne qui vécut d'un carnage éternel .
Les peuples écrasés comme sous une meule,
Les noirs canons broyant la chair à pleine gueule,
La terre sans moisson, les cités en débris,
Et les mères pleurant de metlre au jour un fils !
Elle disait comment, Ã l'abri du silence.
Parlaient et s'imposaient la fourbe et l'insolence,
Comment on adorait les horribles exploits
De ce sanglant orgueil qui remplaçait les lois ;
Comment, plus vils encor qu'aux derniers jours de Rome,
Tous les hommes léchaient les talons de cet homme.
On a contesté au poète non son droit de juger ainsi
cet homme de proie et de sang, mais l'opportunité de
mêler la satire politique à son idylle. C'est à tort. Ces
accents passionnés peuvent déplaire à certaines gens ;
mais ne sont-ils pas conformes à la situation et aux ca-
ractères créés par le poète ? Ne sont-ils pas échappés de
mille poitrines oppressées à cette époque même qu'il a
voulu peindre ? Ne leur a-t-il pas donné la forme sévère
et vivante de l'art? Toute la question est là ; posée ainsi,
elle est résolue. Il y a longtemps qu'Horace a dit son quid
libetaudendi.
il