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UN ANGLAIS QUI PENSAIT PROFONDÉMENT. ïii) — Je demander moâ à vô, si cette bouionn , entendez vô, si cette bouïpnn il avait été de grinouïès ? — Ah ! bien, bien, je comprends parfaitement : mylord de- mande si ce bouillon... • pardon, je n'ai pas parfaitement saisi le dernier mot ? —Si cette bouïonn, il a été de grinouïès, je dire moâ à vô, im- bécile, reprit l'interrogateur avec colère. J'eus pitié du pauvre garçon et lui vins en aide. — Monsieur demande, lui dis-je, si ce bouillon a été confec- tionné avec des grenouilles? — Yes, yes, s'écria l'Anglais en confirmant mon interpréta- tion par un mouvement de tête affirmatil. —• Bouillon-de bœuf, mylord, répondit triomphalement le Relier tiré de peine, bouillon de bœuf ! — Giourez-vô ? Le malheureux garçon, replongé dans sa perplexité première et ne pouvant parvenir à se rendre compte de ce qu'exigeait de lui son prétendu mylord, m'adressa un regard suppliant. — Monsieur veut, lui dis-je, que vous ajoutiez la consécration d'un serment en règle à l'assurance que vous venez de lui donner. — Oh ' qu'à cela ne tienne, mylord ; je le jure ! et il leva so- lennellement la main gauche. L'Anglais réfléchit un instant et flaira de nouveau le potage. — Giourez vô encore ? reprit-il. — J'en jurerai autant de fois qu'il conviendra à mylord, et des deux mains à la fois ; mais s'il plaît à mylord de voir le maître d'hôtel, il pourra le faire jurer aussi, et peut-être croira-t-il à sa parole plus qu'à la mienne. Le maître d'hôtel fut en effet mandé. Il comparut en personne et dut prendre à son tour les dieux à témoins qu'aucune gre- nouille n'avait laissé la moindre partie de sa substance dans le consommé en question ; ensuite de quoi le fils d'Albion rassuré, emplit lui-même son assiette et se mit à fonctionner sans déta- cher sur ses voisins un seul des regards qu'il concentrait sur son potage.