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LE PAGE DU BARON DES ADRETS. 77 y avaient trouvé des partisans dans les classes inférieu- res toujours prêles à se soulever contre le pouvoir; puis nous descendîmes à Vienne, ville très-ancienne, me dit mon père, et, après avoir traversé Valence dont la si- tuation est heureuse et plaisante, nous arrivâmes à Chabeuil,jolie petite ville dans la plus ravissante position. Rien n'est frais comme la vallée qui l'entoure, mais je l'aperçus à peine, car c'est là que je perdis ma liberté. Le couvent où mon père m'enferma était riche et prospère ; la règle était douce et d'autres auraient pu s'y plaire; mais j'avais un trop grand besoin de violents exercices, de grand air et d'indépendance, pour me soumettre à la tranquillité du cloître, à l'obéissance com- plète et à l'observance de la règle. La supérieure, Hé- lène de Saint-Prix, était une femme d'une grande bonté, d'une haute intelligence, pleine d'indulgence pour les autres, et pour elle-même d'une austère vertu. Elle m'accueillit comme son enfant, m'assura de sa tendresse et trouva le chemin de mon cœur en s'occupant beaucoup de moi. Mon père nous quitta rassuré sur mon avenir et enchanté de voir que ma fierté m'avait empêché de verser des larmes; il se hâta de retourner à Varennes où tout se préparait pour le mariage de mon frère avec l'héritière d'une haute maison. Je ne vous dirai pas ce que mon caractère violent et entier me fit souffrir dans cette calme retraite. J'étais comme un oiseau voyageur enfermé dans une étroite cage. A chaque instant, je révais au projet de m'enfuir, je ne sais où. Hélas ! depuis, j'ai bien regretté ces murs épais, ces longs cloîtres et ces cellules si douces et si tranquilles.