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66 LA QDEUE D'UN SINGE. hurle Claudius, il faut cinq mois pour venir de Bornéo... Oh ! répond le Gascon, celui-là est né à Marseille, de pa- rents bornéoniens.— Hilarité générale. — Claudius mur- mure tristement : Voilà comme on trompe le peuple. Nous nous attablons au jardin de la Brasserie du Che- min de fer. On nous sert deux choppes ambrées. — Ce lieu est plein de souvenirs. Thérésa, la grande, fit ses débuts sous ce kiosque abandonné ; Marguerite , la maîtresse- bonne, y racontait de drolatiques histoires, aussi joyeuses que les contes de sa royale homonyme.—Mais où sont les neiges d'antan ! Claudius saisit son verre comme une massue, — Voyons, lui dis-je, mon ami, à qui en avez-vous ? est-ce qu'en réa- lité les discours de ce pauvre diable ? — Ah bien oui, ses discours ! je n'y pense même plus ; ce qui me tourmente, ce qui m'obsède depuis l'installation de la ménagerie est autrement sérieux. — Diable, auriez-vous une passion pour la dame qui donne les billets? elle a des moustaches grises et soixante ans au moins. — Vous raillez toujours ; la question qui m'occupe est d'une haute importance zoologique; vous avez vu le singe ! — Parbleu, il est fort laid, vous aviez l'air de l'endormir. — Je ne sais pas, mais l'avez-vous bien regardé ? — Mais oui, c'est un magot comme un autre. — Eh non; ce n'est pas un magot ! Pour moi, c'est un cercopithèque. — Je n'y vois pas d'inconvénients. — Oui, le faciès, la charpente, les mains, le pelage, l'ha- bitude générale du corps sont d'un cercopithèque ; mais.... — Eh bien! — Eh bien! il n'a pas de queue ! malheureux, il n'a pas de queue ! Claudius m'avait appris que les cercopithèques sont les singes du Nouveau-Monde, à queue prenante; une explica- tion burlesque de cette anomalie me vint à l'esprit, et d'un