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                    LA QUEUE D'UN SINGE.                    61

amusé à contempler son museau? mais c'est effrayant, ef-
frayant
   — Mais quoi, effrayant? pas son museau, toujours?
— Non ? le poids que doit supporter son orteil gauche sur
lequel elle retombe à chaque instant d'un mètre de hauteur
verticale. Belle femme, elle pèse au moins soixante-dix kil.
Prenons la formule de la chute des corps. Nous aurons
plus tard à déduire la force contraire résultant de la con-
traction des muscles au moment du contact du pied avec
le plancher, puis l'élasticité des planches.Tâchons d'abord
de tracer géométriquement la courbe décrite par le centre
de gravité de Marinefta
   A ces mots je faillis souffletter mon bon Claudius. Je
pensai à temps qu'il parerait le coup et m'assommerait
ensuite d'un discours médico-psyehophysiologico-philoso-
phique sur les funestes résultats de la colère.
   Mais je le quittai brusquement, et pendant un mois j ' é -
vitai de le rencontrer.
   Et je jurai une haine profonde, non à la science que j ' a -
dore, sans la connaître, mais aux savants.
   Après tout on ne voit pas d'un bon œil les amants d'une
femme désirée.
   Mais tant que je m'obstinai à fuir Claudius, il me man-
qua. Je ne sais combien de points d'interrogation se le-
vaient tout bossus devant moi, et, le dos voûté, me saluaient
ironiquement. Pourquoi le Rhône est-il bleu et la Saône
verte ? Pourquoi le martinet de Saint-Irénée vole-t-il sans
battement d'ailes ? Pourquoi les demoiselles de Bellecour
ont-elles tant et de si rouges cheveux ? Comment les pe-
tits crevés arrivent-ils au degré de bêtise qui les distin-
gue       ?
   Claudius m'aurait expliqué tout cela.
   Ennuyé, désœuvré, morose, j'allai, vers le 15 août, flâner
aux barraques du cours Napoléon, bâillant aux boniments,
assourdi par le bruit, émerveillé par les enseignes , et at-
tiré par je ne sais quelle curiosité de badaud.