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46 lSlBUOOIiAPltlK. et la prière, mais cette arme était toute-puissante, et personne ne la bravait en vain parce qu'elle était toujours au service du droit et de la justice, et qu'elle avait pour au-uliaire la conscience des pouvoirs publics désormais plus éclairés et plus forts. Le rôle des abbés de Ciuny est du reste longuement décrit dans le cours de cet ouvrage, et M. Pignot n'a omis aucun des faits qui l'ont manifesté. On ne saurait pousser plus loin le détail et l'exactitude de l'information.—Ces actes d'autorité étaient autant de bienfaits, ils proclamaient des droits inprescriplibies ; nul n'y recourait en vain. Les peuples respirèrent ; l'ordre moral était à jamais restauré. On fait trop bon marché aujourd'hui de pareils services rendus à la civilisation par les institutions monastiques parce qu'on oublie le point de départ, les circonstances effroyables qui suivirent la chute de l'empire romain, et qui signalèrent la reconstitution du monde moderne au lieu de l'anarchie et du chaos. Mais l'histoire est là pour le rappeler. Cluny, Messieurs, est en définitive une création de l'Eglise de France : que la France en soit fière, parce qu'elle est une des gloires de son passé. Je suis obligé d'abréger, Messieurs, cette trop rapide analyse pour laquelle d'ailleurs, non les jours, mais les heures m'ont manqué. Je passe bien des chapitres remarquables, bien des faits qui se rapportent à cette lutte héroïque de la papauté contre le pouvoir temporel. M. Pignot explique avec une mer- veilleuse clarté et une grande hauteur de vues la fameuse querelle des Investitures dans laquelle Cluny fit entendre sa voix et ses. conseils. On est étonné de voir des principes.tout moder- nes sous la plume d'un moine de Cluny, Pierre Damien. Dans un écrit adressé au concile d'Osbor en Saxe, en 1062, Pierre Damien, définissant les relations de l'Eglise et de l'Etat, disait que le seul lien qui dût les unir, pour la paix du genre hu- main, était celui de la charité ; que le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel devaient s'opposer à toute discussion entre leurs membres ; que rien du reste dans les relations de l'empe- reur et du pape ne devait porter atteinte à la prérogative surémi- nente de ce dernier, prérogative toute divine et qu'il n'était permis à aucun homme de s'attribuer.