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42                        BIBLIOGRAPHIE.

yeux fixés sur la règle, à la perfection de la loi évangélique. Les
plus humbles, les plus pauvres d'entre les opprimés y trouvaient
un abri contre les révolutions du siècle, contre les persécutions
des grands, contre les misères humaines, tutissimum adversus
humanas miserias refugium. Il est inutile d'insister sur les ser-
vices qu'ils ont rendus à l'humanité et à la civilisation. Mais à
l'époque où commence l'histoire de Cluny, l'esprit monastique
n'avait encore réalisé aucune de ces grandes créations qui
seules peuvent avoir une influence durable sur les esprits et sur
les mœurs. 11 ne s'était manifesté que par des tentatives isolées,
des fondations restreintes, sans lien entre elles, sans unité, où
la discipline n'avait pas tardé à se ressentir de l'anarchie qui
régnait au dehors. En revanche, on voyait pulluler des moines
vagabonds, des ermites dont la conduite et les habitudes étaient
pour les fidèles un objet de scandale. Les agrégations conven-
tuelles qu'avait tentées, sous Louis^le-Débonnaire, saint Benoît
 d'Aniane, étaient tombées dans un état de relâchement et de
 discrédit. L'Eglise, au commencement du Xe siècle, appelait
vivement une réforme, et son bras était impuissant à contenir
le flot toujours montant des misères qui accablaient les peuples.
    Si l'on enjuge par les témoignages contemporains, ces misères
étaient au-delà de tout ce que nous pouvons concevoir, et c'est
une des plus sombres époques dont l'histoire ait gardé le sou-
venir. Des invasions, des pillages, des massacres ; les Normands
après les Sarrasins ; les famines, les pestes, le brigandage en
permanence dansles provinces ; partout l'oppression, la tyraniê,
un effroyable mépris de la vie humaine. Dans une société tra-
 vaillée par de tels éléments de dissolution, rien ne se tenait
 debout ; l'immoralité allait croissant, la barbarie l'emportait,
 l'homme descendait à l'état de la brute. Ce qu'il y avait encore
 déplus solide, l'Eglise même chancelait. C'est une triste réflexion,
 mais elle se rencontre ici sous la forme d'une vérité d'expérience,
 la nature humaine a toujours marché entre deux écueils : si la
 prospérité, la paix, les progrès des arts et de l'industrie, enflent
 son orgueil et semblent provoquer ces terribles révoltes de
 l'esprit pui préparent les catastrophes sociales, les longues ca-