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HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LYON. 431 extase (1). Point de langage importun qui la dérange ; nulle conversation, si ce n'est avec Dieu. Lui seul, à travers le calme de la mystérieuse résidence, fait entendre sa voix adorée. » Que nul n'espère gagner sans combat ces pures vo- luptés de la vie contemplative. La révolte des passions s'oppose à la volonté de l'homme dans le silence du désert aussi bien que dans le tumulte du siècle. Parfois même leur rébellion se déchaîne avec plus de violence au milieu des solitudes, débarrassées de la distraction des plaisirs et du soin des affaires. Eucher le sait, lui qui vient d'entrer dans la lice, et cette conviction l'amène à formuler des règles de conduite qui, bonnes pour le désert, ne le semblent pas moins pour le monde. « Le désert, fait-il observer, a ses exigences ; devant elles, une âme n'est innocente qu'à la condition d'être d'une pureté sans tache. 11 lui faut s'appli- quer sans cesse à maintenir dans les bornes du devoir tous les mouvements intérieurs ; il lui faut aussi refréner dès le principe les moindres écarls de sa pensée. Qu'ailleurs ce soit un mal d'avoir fait le mal, ici le mal c'est de ne pas avoir fait le bien (2). » Ces triomphes, ces félicités d'une vertu que ne remar- quent pas assez nos sociétés affairées, le nouvel anacho- rète va-t-il les chercher parmi les fantômes d'une imagina- tion complaisante? Non, c'est au trésor de sa chère île qu'il puise a pleines mains toutes ces perles du sacrifice volon- taire. C'est là , c'est dans la réalité incessamment offerte à ses yeux qu'il prend et les beaux préceptes qu'il enseigne et les parfaits modèles qu'il propose. Avec quel pieux sen- (t) Ineffabilibus vegetatur eœeessiims. (2) Âpud ulios malum sit malum fecisse, apud hos vero malum est bonum non fecisse.