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430                  HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LYON.

Nouveau-Monde, Chateaubriand, à quinze siècles de distance,
eut, en face du désert, le même sentiment de la divinité
présente que le vieil évoque de Lugdunum. « En vain, dit-
il, dans nos champs cultivés, l'imagination cherche à s'éten-
 dre, elle rencontre de toutes parts les habitations des hom-
mes. Mais dans les pays déserts, l'âme se plaît a s'enfoncer
 clans un océan de forêts, à errer au bord des lacs immenses,
à planer sur le gouffre des cataractes, et, pour ainsi dire, a
se trouver seule devant Dieu (1). »
    Nous avons dit qu'Eucher fait une sorte d'historique du
 désert, à partir de la naissance de l'homme. 11 ne faut pas
donner trop de portée à ce mot historique : les vues de
notre auteur ne s'étendent pas au-delà des scènes naïves
ou grandioses de la sainte Écriture. L'inénarrable solitude
créée pour le premier des humains, l'aride domaine des pa-
triarches, les sommets de l'Oreb et du Sinaï, et la Thébaïde
 fameuse par le baptême de Jean et la retraite du Fils de
l'homme: voilà, si nous ne nous trompons, tout ce qu'il
raconte du désert. Bientôt, au souvenir des prodiges accom-
plis dans ces lieux immortels, l'enthousiasme le prend, le
saisit, l'enlève, et l'historien fait place à l'inspiré.
    « Oh ! s'écrie-t-il, qu'elles sont aimables pour les altérés
du Seigneur (2), ces retraites infréquentées des grands bois !
qu'elles sont pleines de délices pour les esprits avides du
Christ, ces secrètes solitudes qui s'étendent plus loin que
la vue, sous la seule protection de la nature (3) ! Tout se
tait. Alors vers son Dieu s'élance l'âme transportée de joie ;
alors, comme aiguillonnée par l'impression du silence (4),
elle se sent vivre dans les régions illimitées de l'ineffable

  (1)   Génie du Christian., liv. V. cli. xu.
  (2)   Sitientibus Deum.
  (S)   Nalura excubanle porrecta.
  (4)   Quibusdam sihntii stimulis excitatur.