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MONSIEUR DINENVILLE. '411 position le détermine, et l'on n'a point à craindre un refus de sa continuelle disponibilité. Il est plein de petits talents, qu'on apprécie surtout la fourchette a la main ; il sert avec grâce, découpe avec adresse, déguste agréablement les vins et leur prodigue de ces louanges de gourmet auxquelles il est impossible qu'un patron de cave ne se rengorge pas; en conscience, il paie son ecot par les jouissances de tout genre qu'il procure à ceux chez lesquels il s'attable. Il sau- poudre chaque mets d'anecdotes qui s'y rattachent, il fait naître chez ses amphitryons une émulation tout h son profit en leur contant la manière charmante dont chacun d'eux le reçoit. Sa gastronomie déborde de gratitude, et nul n'a comme lui la mémoire de l'estomac. M. Dinenville n'a cultivé de la littérature que les par- ties qui pouvaient favoriser ses penchants à l'ubiquité man- geante ; il tourne le couplet avec aisance et s'est constitué le rhapsode des noces, le trouvère des baptêmes, le chantre de tous les saints du calendrier; son répertoire, dans ces divers genres, est immense, et il n'a pas de chanson qui ne lui ait valu plus de festins qu'elle ne contient de vers. Il a même, pour les grandes occasions qui peuvent augmenter sa renommée, des contes rimes qu'il débite entre la poire et le fromage, et qui gravent son amabilité dans la mémoire de ceux qui ne donneront-plus de banquets a l'avenir sans l'inviter. M. Dinenville achève la journée au sein des soirées, qui abondent pour lui ; car on conçoit qu'il est l'idole des douairières, le fétiche des vieilles filles, et qu'il connaît les moyens de se faire adorer par cette nombreuse partie du sexe qui ne saurait se passer de la meringue, de la partie de boston, du café et de la médisance. Alors il est dans son élément, choyé, caressé, prôné, et je vous assure qu'il le mérite : nul ne garnit mieux une chaufferette, n'offre un