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POÉSIE. 243 CAUTERETS (PRÈS DU LAC DE GAUBE). LU VOY\GEUR, C'est un visage ami qui paraît sur ta rive, 0 lac ! reconnais-tu les traits du voyageur ? Aurait-elle emporté, ta vague fugitive, Mon souvenir posé comme une ombre pensive Sur ton rocher rêveur ? C'est bien là ton désert... C'est bien là ton silence ! Voilà tes fiers sommets qui dorment dans les cieux ; Tes nuages neigeux que le grand vent balance, Et tes brillants glaciers d'où le gave s'élance Pour animer ces lieux. Mais, dis-moi, gardes-tu l'apparence sereine Qu'aujourd'hui je contemple ? Es-tu toujours si pur? L'éternelle clarté fait-elle ton domaine ? N'as-tu rien de semblable à la poitrine humaine Pour ternir ton azur ? Rien ne trouble ta paix? Rien sur tes flancs ne gronde? Rien d'horrible jamais ne passa sur tes flots ? Tu ne frissonnes pas sous la tempête immonde? Tu ne bouillonnes pas quand le vent noir te sonde? Tu n'as point de sanglots ? 0 lac ! du cœur humain la trop fidèle image, Que tu jettes mon âme en un profond émoi ! Comme toi toujours seul pour affronter l'orage, Que ne puis-je assurer d'être, après son passage, Calme et pur comme toi !