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104 POÉSIE PAR LES CHEVEUX. Certain coiffeur lettré, cumulant double gain, Avait un cabinet au fond de sa boutique, Où, parmi les toupets, les fards, le cosmétique, Chacun pouvait trouver son plus cher écrivain. Poésie et pommade, en un seul tour de main, Parfumaient de leurs fleurs le front de la pratique ; Et, tandis qu'on lisait un morceau de critique, Les terribles ciseaux coupaient, allant bon train. Et, je songeais, un jour, en inclinant la nuque, ' Qu'il est un trait d'union du livre à la perruque, Par le sort attachés d'un fil mystérieux : Car, tenant l'existence en courante lecture, Nous avons tous, hélas ! n'importe la coiffure, Nos ans et nos raisons pendus par les cheveux ! Arthur de GRAVILLON. JUDAS. Quand l'intendant Judas, — un comptable peu fort,— Eut pour trente talents livré son divin maître, Il se prit en horreur, éprouva du mal-être, Rendit l'argent, et puis s'alla pendre. — Il eut tort. Il eut tort pour si peu d'être mouchard et traître ; S'il eût vendu son Dieu cent mille écus, d'accord! La mort l'eût pris au lit, plein de jours, sans effort, Et d'un buste son bourg l'eût honoré peut-être. Le judas de nos jours brave mieux le mépris Dont les honnêtes gens,—des sots,—couvrent son crime; Il y met la pudeur, marchande avec le prix; Il se dit, qu'après tout, l'argent passe l'estime, S'interdit le remords d'un seul denier rendu, Et s'il se pend jamais, c'est qu'il a tout perdu. Joséphin SODLARY,