page suivante »
CINQ-MARS ET DE THOU. 411 fois : « JÉSUS. » — Après, il les luy remit et, se tournant hardiment vers l'exécuteur,qui estoit là , debout, et n'a- voit pas encore tiré son couperet d'un méchant sac qu'il avoit apporté sur l'échafaud, il luy dit : « Que fais-tu « là ? Qu'attends-tu? »—Son confesseur s'estant déjà re- tiré sur l'eschelle,il le rappella et luy dit :—« Mon Père, < venez-moy aider à prier Dieu. » — Il (le Père) se rap- * procha et s'agenouilla auprès de luy, le quel récita lors, d'une grande affection, le Salve Regina, d'une voix in- telligible, sans hésiter, pesant toutes ces belles paroles ; et particulièrement estant arrivé à ces mots : « et Jesum, benedictum fructum ventris tui, nobis post hoc eooitium ostende, » et le reste, il se baissoit et levoit les yeux au ciel avec une dévotion et une façon toute ra- vissante. Après, son confesseur priant, de sa part, ceux qui estoient présents de dire pour luy un Pater et un Ave-Maria, luy fit dire ces paroles : « Maria, mater gra- tiœ, mater misericordiœ, tu nos ah hoste protège et hora mentis suscipe. » — Et en suite : « In manus tua, Do- mine, etc. » — Pendant quoy, l'exécuteur tira de son sac son couperet, — qui estoit fait comme celuy des bouchers, mais plus gros et quarré. — Enfin (Cinq- Mars), ayant levé, d'une grande résolution, les yeux au ciel, il dit : — « Allons, il faut mourir; mon Dieu, ayez « pitié de moy! » — Puis, d'une constance incroyable, sans estre bandé, posa fort proprement son col sur le poteau, tenant le visage droit tourné vers le devant de l'échafaud et, embrassant fortement de ses deux bras le poteau, il ferma les yeux et la bouche et attendit le coup que l'exécuteur luy vint donner assez pesamment et lentement, s'estant mis à sa gauche et tenant son coupe-