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DES RELATIONS PASSAGÈRES. 6b d'avoir auprès de leur femme, au sein des soucis d'un mé- nage et des ennuis que procurent les affaires. Puis j'e'tais plus disposé a les trouver bien, parce que j'étais moi-même plus indulgent. Comme notre humeur est taillée à facettes, nous nous la montrions sous un côté favorable, et, comme nous n'avions que peu d'instants à nous voir, nous rem- plissions bien plus facilement, par cela même, un petit bout de rôle aimable que nous nous étions imposé pour nous laisser une idée favorable les uns des autres. J'ai été souvent très-surpris en apprenant que tel individu qui m'était étranger, et qui m'avait fait passer dans sa compagnie un ou deux jours délicieux, était un scélérat criblé de mauvaises actions, ou bien un mari détesiablement ennuyeux auprès de sa femme et dans sa maison. Quand nous sentons que nous n'avons aucun antécédent dans l'opinion d'un homme, qu'elle se trouve table rase avec nous, nous nous efforçons plus de nous montrer à lui sous un jour favorable, et si nous n'avons que peu d'heures a causer avec lui, nous mettons mieux alors notre temps à profit, tandis que notre esprit se détend souvent et se re- lâche avec les gens auxquels nous sommes accoutumés, et qui sont sans cesse sous nos yeux ; nous lui. permettons avec eux un pitoyable laisser-aller : il se montre en robe de chambre, en pantoufles, en bonnet de nuit, et ne reprend sa brillante toilette qu'auprès de ceux auxquels nous cher- chons d'autant plus a plaire que nous les fréquentons moins. Aussi un voyageur qui court les pays pour observer les hommes, ressemble, selon moi, a une abeille qui voltige de fleur en fleur, ne prenant que le suc contenu dans leur calice, et n'attendant point de les voir flétries et séchées ; les relations passagères sont les fleurs de l'humanité ; il n'y a rien que de doux chez elles ; on glisse alors de surface en S