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56 CINQ-MARS ET DE ÃIIOU. « servir pour mon salut. La seconde raison qui me porte « à me vouloir condamner moi-même, c'est que si l'on « considère mon crime d'un certain biais, il ne parois- « tra ny si noir ny si énorme ny si étrange comme il « semble d'abord. Il est vrai, j'ai sçeu cette conspira- « tion ; mais j'ay fait tout mon possible pour la dissua- « der. Il m'a cru son amy et fidèle et peut-être unique ; .« il m'a tout confié ; je ne t'ay point voulu trahir et pour « cela je mérite la mort : je me condamne moi-même ! » « On rappela dans la chambre A3, le Grand, pour estre confronté à M. de Thou, où ils demeurèrent plus d'une heure ; M. le Grand en sortit le premier et, quel- que temps après, M. de Thou. « Une heure après, ou environ, M. de Laubardemont, conseiller d'Estat, — qui estoit le rapporteur, — et M. Robert de Saint-Germain, conseiller au Parlement de Grenoble, sortirent de la chambre pour disposer les pri- sonniers à la lecture de leur arrest, et les résoudre à la mort. Ce qu'ils firent, les exhortant dé rappeler toutes les forces de leur esprit et de leur courage pour lesmoi- gner de la résolution dans une occasion qui estonne les plus constans. A cette nouvelle ils s'affermirent et tesmoi- gnèrent une résolution extraordinaire, annonçant eux- mêmes que véritablement ils estoient coupables et méri- toient, la mort, à laquelle ils estoient bien résolus. Icy M. de- Thou dit à M. de Cinq-Mars, en souriant : « Eh bien ! Monsieur, humainement je pourrois me « plaindre de vous : vous m'avez accusé, vous me faites « mourir ; mais Dieu sçait combien je vous en ayme. « Mourons, Monsieur, mourons courageusement et ga- « gnons le Paradis! » — Ils s'embrassèrent l'un l'autre,