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;>0 CINQ-MARS ET DE THOU. de son confesseur finissent par le calmer, et il se console en citant le fameux distique d'Ovide : Donec eris felix..., que le prêtre lui a appris par cœur. L'idée de la torture dont il est menacé trouble cruellement son esprit, et sa chair frémit toutes les fois qu'il songe aux terribles consé- quences du chevalet, Cela se conçoit bien, du reste : il esl si jeune que le temps et les malheurs de cette vie n'ont en- core pu endurcir sa fibre et le préparer au stoïcisme. Heu- reusement on lui épargne cette rigueur barbare. L'orgueil aristocratique du grand seigneur se révolte un moment au contact flétrissant de la main du bourreau ; mais, sur un signe du prêtre, cette préoccupation mondaine est bien vite écartée pour faire place à des sentiments plus hum- bles et plus conformes à la situation présente. Cinq-Mars reçoit les derniers secours de la Religion avec une piété exemplaire, après quoi il se livre à l'exécuteur, en re- commandant une dernière fois son âme au Créateur. L'élégant jeune homme succombe bravement, sans forfanterie d'aucune sorte, la main gantée avec soin , v comme aux meilleurs jours, et son corps reste, quelques instants encore, debout et immobile contre le poteau que le patient a enlacé fortement de ses deux bras et ou il vient de recevoir le coup fatal. Quant à de Thou, nature tendre et rêveuse, il a natu- rellement l'imagination beaucoup plus exaltée que son compagnon d'infortune. On dirait qu'il a soulevé un des coins du voile qui couvre le Paradis, et que les premières notes de la musique des Anges résonnent doucement à son oreille ravie; il semble être déjà en pleine posses- sion des béatitudes célestes. En dépit de sa sensibilité ner- veuse qu'il cherche à combattre en implorant avec une