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266 3. TERRAS ET C e . et lui le répéta longtemps avec une modestie qui étouffait d'orgueil. Longtemps il s'en vanta sans pitié, quand il en trouvait, l'occasion qu'il recherchait beaucoup trop. Non pas que ce fils de ses œuvres eût tort d'en être fier et d'en pren- dre avantage, mais il n'était point très-nécessaire de le crier si haut; on l'eût bien deviné. Comme ces généraux qui ont porté le sac du simple soldat, ce maréchal du velours, qui dans son temps avait passé la navette, trahissait assez claire- ment par certains côtés faibles l'humilité de son point de départ. Il parlait avec autorité, comme il convient h un homme arrivé et sûr de lui-même, mais sa conversation abondante se ressentait beaucoup de cette grande supério- rité dans la fabrication du velours a laquelle il devait sa for- tune: il ne pouvait se tenir d'en mettre où il n'en fallait pas, passant du bianc-z-au noir avec trop de facilité. On voyait donc aisément que M. Terras avait pu être ca- nut, comme tant d'autres, a ses débuts; seulement, depuis quelques années, il ne s'en vantait plus autant ; on eût même pu croire qu'il cherchait h le faire oublier et qu'il ne demandait qu'à l'oublier lui-môme. Nous verrons d'où lui était venue cette pudeur tardive. Au demeurant c'était un bon et honnête homme, faisant beaucoup de bien. Contrairement à l'opinion de gens qui se croient trop d'esprit, il ne suffit pas toujours d'être bête pour réussir dans le commerce. Un succès comme celui de Jérôme Terras dénote donc une certaine intelligence; c'est pourquoi nous allons vous parler de la sienne, ou plutôt, nous allons vous parler de sa femme, ce qui revient au même. Un diable dans un bénitier, celte MBe Terras : petite et sèche, brune au teint pâle, front couvert, grands yeux noirs et durs, bouche fine et méchante; elle avait pu, dans sa