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CHARABARA. Mi du monarque, l'artiste avait caché dans quatre nuages de poussière les membres postérieurs de quatre chevaux com- posant les escadrons du roi deNapIes; ce qui indiquait un galop effréné. On y voyait Napoléon haranguant ses troupes avant le combat des Pyramides. Douze grenadiers (toute l'ar- mée française), saisis d'enthousiasme, élevaient comme un seul homme leurs douze bicornes au bout de leurs douze fusils, et montraient, sans souci du soleil africain, leurs douze catogans aux quarante siècles étonnés. Les Pyramides, hautes comme le mont Ventoux , découpaient un triangle rose-clair sur un ciel d'un bleu impitoyable.Trois palmiers, tout sembla- bles aux petits ifs tournés des naïves bergeries suisses, délices de notre enfance,dressaient sur l'arrière-plan leur parasol vert- de-gris. A l'horizon, un tourbillon incarnat annonçait l'appro- che des Mameluks. Le capitaine n'avait pas à un très-haut degré le sentiment de l'art ; il admirait ces enluminures ; mais il constata avec regret qu'il manquait deux boutons à la veste des hussards de Murât et que le premier rang sabrait au lieu de pointer. Gauthier fit en outre une folle dépense. Il acheta pour 25 francs une statuette de Napoléon. Elle était a peu près con- forme à ce modèle, saisissant de vérité et de bonhomie pen- sive, qui surmonta plus tard la colonne Vendôme et toutes les cheminées de campagne. On l'a remplacéapar je ne sais quel anachronisme de bronze armé et drapé à l'antique... Piètre déguisement ! La tournure et les traits du héros sont stéréotypés dans tout cœur français; les travestir est absurde. L'auréole du génie brille d'un éclat trop vif autour de ce front olympien, pour qu'il soit besoin de le rehausser par une couronne. Evoquez Napoléon : qu'il vous apparaisse entouré d'un cortège de diplomates, d'un état-major éblouissant, d'une cour de rois, à l'apogée de sa puissance,... le voyez-vous avec l'attirail du sacre et le manteau aux