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416 LES DECX PLATS B'ÉPINARDS. para do ma main qu'il serra avec force contre ses lèvres, et ses larmes jaillirent et coulèrent lentement dans le creux de ses rides; ce moment vraiment solennel me fit à moi-même une si vive impression que je me promis alors de mériter l'élan de celte suprême et sublime gratitude. Le pavivre homme mourut quelques jours après cette scène louchante, et je m'occupai de suite à remplir l'engagement que j'y avais contracté. La fille aînée, âgée de 12 ans, fut placée chez une brave veuve, nommée Rougi, que je con- naissais depuis longtemps; la seconde, chez un serrurier de V... appelé Réchal. Je convins pour toutes deux du prix delà pension et me promis bien de surveiller leur éducation. Quant au garçon, ôgé de 9 ans, c'était le plus mauvais naturel que j'aie connu de ma vie ; il avait fait le désespoir de son père, qu'il eut l'infamie d'insulter à son lit de mort. Alors qu'il Je vit expirer, il s'empara de ses vêtements, de ses outils, et, malgré les justes réclamations de ses deux sœurs qu'il dépouil- lait ainsi, il s'enfuit, et depuis on n'en entendit plus parler dans le pays,qu'il abandonna sans doute. Les maisons où étaient placées ces deux jeunes orphelines étaient distantes l'une de l'autre, et toutes deux assez éloi- gnées de ma demeure, en sorte que je ne pouvais en aller voir qu'une dans un jour, et souvent, le mauvais temps ou ma santé me retenant à domicile, je restais plusieurs semai- nes sans pouvoir les visiter. Je résolus donc de les placer l'une et l'autre sous la surveillance de deux dames de mes connaissances qui demeuraient dans leur voisinage; je re- commandai Louise, l'aînée, à la bienveillance de M^d'Ebly de Blanchateau, et Marie, la cadette, à Mme Crozet d'Eligny: toutes deux promirent de me seconder dans cette œuvre de bienfaisance. Ces jeunes filles étaient catholiques et ces dames protes- tantes ; mais je ne doutais nullement de leur zèle pour mes