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204        SAINT MAURICE ET LA LEGION THÉBÉENNE.

le sauvage amour de l'indépendance nationale, le culte des
ancêtres et des traditions galliques ; tous ceux, (et ils étaient
nombreux) qui se cabraient sous le joug intolérable des
administrateurs romains, des sénateurs, proconsuls et cu-
riales ; les chrétiens persécutés et mutilés ; les paysans
pressurés, s'étaient levés comme un seul homme, et, sous
le nom de Bagaudcs promenaient le ravage et la (erreur
partout où florissait le régime abhorré des avides Quirites.
De grandes cités étaient déjà saccagées, la flamme avait
fait justice de milliers de villes où resplendissaient les mer-
veilles des arts et du luxe. La Bagauderie triomphante exer-
çait ses vengeances nationales du Nord au Midi et de l'O-
rient a l'Occident, sous l'étendard d'une mystérieuse hé-
roïne, d'une sorte de Clorinde guerrière parée du beau nom
de Fictoria et surnommée la mère des légions.
    La direction suprême du soulèvement et le titre d'Empe-
reur avaient été décernés a deux chefs vaillants OElianus et
Amandus qui exploitaient le souverain pouvoir sur ces mul-
titudes en délire (1).
    Cette formidable révolte était bien la dernière et terrible
convulsion du lion celtique ; convulsion contagieuse, qui
menaçait d'atteindre la Germanie, la Bretagne, l'ibérie et les
mille peuples soumis à l'aigle du Capitole. Il y avait dans ce
 grand mouvement, plus que la brutalité d'une simple jac-
querie ; il y avait aussi le ressentiment d'un peuple aux
 abois, et le cri de désespoir du christianisme honni, pros-
 crit et torturé depuis près de trois siècles.
    Dioclétien, dont l'esprit était sagace et le coup d'œil per-
çant ne se méprit pas sur la portée de cette rébellion ; il
 sentit que le salut de l'Empire tout entier dépendait de sa
 prompte répression. Mais absorbé par le soin de contenir

  (1) Il existe encore des médailles do ces deux Empires éphémères.