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HOMÈRE. 143 théâtre avec ce talent puissant qui s'empare a tout jamais des imaginations et des cœurs? Il a pu, il a dû même se pas- ser pour Homère quelque chose de semblable; et, en ce sens, on peut dire comme. Vico que l'Iliade et l'Odyssée sont l'œuvre de la Grèce entière, car jusqu'à Pisistrate, et peut-être au-delà , le goût particulier de chaque rhapsode guidé par celui du public n'a pu manquer d'y introduire plus d'une modification. Quand on nous montre dans ces poëmes quelque passage où l'interpolation est vraisembla- ble, nous applaudissons à la sagacité du critique et nous en faisons notre profit. Mais s'il veut en conclure que tout n'est qu'interpolation, qu'il n'y a là qu'une collection de pièces d'origine diverse plus ou moins habilement recousues , notre bon sens se refuse à le suivre. L'unité incontestable du plan, le ton général qui caractérise ces poëmes et les distingue si complètement de tous ceux qui nous sont par- venus sous d'autres noms, enfin un certain tour de pensées et un certain accent plus facile à sentir qu'à définir exacte- ment, mais qui donne l'impression du même cœur et de la même âme, voilà ce qui entraîne noire conviction et fait de nous, quoique nous en ayons, un croyant d'Homère. Du reste, cette croyance à Homère semble reprendre faveur; de part et d'autre, nous le répétons, on se rappro- che a divers degrés de celte solution modérée et conciliante qui respecte la tradition, mais la corrige et la complète par les découvertes de la science moderne. Sur ce point comme sur d'autres, la superstition avait engendré !e scepticisme; à son tour le scepticisme par ses excès a suscité des recher- ches plus approfondies d'où est sortie une foi nouvelle et désormais plus solide. Le dix-septième siècle voyait dans Homère un homme de lettres, à peu près comme Boileauou Racine; par réaction contre une vue si fausse, l'âge suivant en a fait un peuple, une époque, un âge de l'humanité. Il y