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124 " HOMÈRE. traits de pure imagination. Comme l'Orphée et leThamyris des légendes , ils représentent sans aucun doute un âge poétique dont Homère a été l'héritier. Mais sauf des noms, cet âge poétique ne nous a rien laissé. Il n'y a pas, dans toute la littérature grecque, un seul vers qu'on puisse dire avec certitude antérieur à l'Iliade. Il semble que cette grande gloire d'Homère a réellement éclipsé et plongé dans l'oubli tout ce qui l'a précédé, et même ses contemporains, comme le dit l'épigramme de Léonidas de Tarente dans l'Anthologie : Quand de Phcbus au ciel resplendit la lumière, Les astres de la nuit éteignent leurs flambeaux; Tels on vit devant toi pà iir tous tes rivaux, Quand dans les cioux de l'art tu parus, grand Homère ! C'est donc par Homère qu'il faut commencer l'histoire de la poésie grecque, puisqu'il n'y a rien avant lui; sauf à rechercher, par les indices qu'il fournit lui-même, ce qu'ont pu être ses devanciers, quels furentles premiers bégaiements de cette muse qu'il a fait parler avec tant de grâce, de puis-" sance et d'éclat. La grâce, l'éclat, la puissance ; tel est en effet le singu- lier privilège de la poésie homérique qu'elle réunit au suprême degré des qualités qui ailleurs semblent s'exclure. On dirait un visage où le plus doux sourire de l'enfance est uni a ta fougue de la plus impétueuse jeunesse et à la plus noble maturité. Mais la grâce domine. Quoi de plus riant que cette mythologie qui, après tant de siècles, au milieu de mœurs et d'idées si différentes, est restée parmi nous comme un culte d'imagination, comme une religion de la poésie et des arts ? Quoi de plus ravissant que ces tableaux de la vie primitive et je dirais'presque patriarcale, où Fénelon admirait ce qu'il appelle si bien «l'aimable simplicité du mondenaissant?» Et que dire de ces descriptions où toute la nature, toutes les beau- tés du ciel, de la terre et des mers resplendissent comme