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                    LA BELLE REGAILLETTE.                    63

   — Tant de perfections ne sont pas faites pour de simples
mortels, hasarda un des courtisans de sa voix la plus velou-
tée. Regailletle est un morceau de roi
   Il se fit, sur ce mot là, un instant de silence.
   Le roi de France avait-il pris goût à cette causerie de pa-
ges, je l'ignore, mais il n'en laissait rien transpirer sur son
visage. Louis XIV se rappela les enseignements de Mazarin;
il pensait comme Mahomet :
    — Mon empire est détruit si l'homme est reconnu.
    Cependant, par une curiosité naturelle à son âge, le jeune
roi ne savait pas encore tout ce qu'il voulait savoir ; et pour
que la conversation n'en restât pas là, il reprit négligem-
ment, en passant sa belle main entre les plis des dentelles de
son pourpoint ;
    — Vous dites donc, Messieurs, que la chaste Diane a
quitté l'Olympe et qu'aujourd'hui elle habite Marseille?...
    — Rue des Isnards, en face de la fontaine, reprit un gen-
lilhomme qui pensait avoir deviné l'intention interrogative
de ces dernières paroles royales.
    — Je ne vous demande pas l'adresse de cette fille, inter-
 rompit le roi d'un ton sec. Ce sont là des passe-temps d'offi-
 ciers en garnison... A vous les plaisirs, Messieurs les gentils-
hommes, au roi les affaires.
    Et regardant à la pendule : « Neuf heures ! dit le roi,
 Monsieur le cardinal m'attend dans mon cabinet.. »
    C'était un congé en forme, donné aux beaux seigneurs, et
 du ton d'un souverain qui a le sentiment de sa dignité et de
 ses devoirs. Au milieu de tous ses charmes, l'expression de
 la physionomie de Louis XÃV était sérieuse et grave , même
 à cet âge de la vie où elle est indifférente et légère.
    Les courtisans s'inclinèrent respectueusement et Louis XIV,
 prenant des mains d'un officier de sa Garde-robe un magni-
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