page suivante »
482 MUSIQUE DRAMATIQUE. tout un grand bienfait pour l'humanité.—Rossini a parcouru toute l'échelle des passions humaines. Il a frappé simultané- ment, de sa main flexible et puissante, les deux notes extrêmes du clavier, il a fait jaillir a la fois le rire de Beaumarchais et les larmes de Shakspeare. Il n'y a pas entre le Don Juan et les Nozzc di Figaro de Mozart, le contraste qui existe entre le Barbier et Guillaume Tell où Moïse. Rossini est le compo- siteur dramatique le plus varié et le plus fécond qui ait jamais existé, et le seul musicien qui ait complètement justifié celte profonde observation que Platon prête à l'un des familiers de Socrate : qu'il appartient au môme poète de composer des tragédies et des come'dies. « Génie éminemment italien, tout empreint de l'espril bruyant et sensuel de son époque, Rossini rompt donc vio- lemment avec les maîtres qui l'ont précédé. Il débouche du xvme siècle, comme une vallée ombreuse et paisible, et s'avance vers l'avenir avec l'impatience d'un dominateur. On dirait Bonaparte descendant Fa cîme des Alpes pour conqué- rir les plaines lumineuses de la Lombardie (1). » Il ne faut cependant pas exagérer, outre mesure, la part de Rossini dans les progrès de l'art; sa mission ne sortit pas des confins de l'époque qui est éteinte ou prés de s'éteindre. C'est plutôt une mission de génie compilateur que de génie initiateur. En effet, il ne changea pas, il ne détruisit pas le caractère antique de l'école italienne; il lui imprima le sceau de son génie; il n'y introduisit pas un nouvel élément pour modifier ou effacer l'ancien, il le formula et le replaça sur ce trône d'où les pédants l'avaient chassé sans lui en substituer un autre. — Rossini ne créa donc pas, il restaura, mais plus dans la forme que dans l'idée, plus dans les modes de déve- loppement et d'application que dans les principes ; il trouva (i) Scudo. — Litter. musicale, l'art ancien et l'art moderne.