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MUSIQUE DRAMATIQUE. 481 mais non religieuse. Elle prie cependant parfois; c'est lors- qu'elle entrevoit un rayon du Ciel, de l'âme humaine, qu'elle sent une aura du grand univers. Oh ! alors, elle est sublime d'adoration ; sa prière est la prière d'une sainte, mais elle est courte : on devine que si elle courbe la tête, c'est pour la redresser un instant après, dans une idée d'émancipation et d'indépendance ; on devine q'u'elle s'est courbée sous l'em- pire d'un enthousiasme passager, mais non sous l'habitude d'un sentiment religieux identifié avec elle. — Lescroyances religieuses vivent de la foi d'un monde invisible, d'une aspi- ration vers l'infini, et elle n'a de foi qu'en elle-même, n'a d'autre but qu'elle-même. — L'art pour l'art, voilà la for- mule de la musique italienne. De là son défaut d'unité, de là sa marche fractionnée, saccadée; mais elle nourrit dans son sein une telle énergie, que si elle entrevoyait un but, elle remuerait l'univers entier pour l'atteindre. Mais ce but, mais l'âme et le Dieu de l'univers où sont-ils? A une telle musique, comme à toute période ou à tout peuple qui représente dans son développement l'individualité, il fallait un homme qui la réduisît à symbole, qui la conclût, et Rossini parut.—Rossini est un géant de puissance et d'au- dace ; il renversa les vieilles règles, brisa les entraves qui rete- naient captive la verve des artistes, sanctionna l'indépendance musicale, et, grâce à lui, l'art fut sauvé. Rossini, comme le fait observer M. Scudo, opéra dans l'économie de la musique dramatique une grande révolution, dont le principal carac- tère fut que les voix naturelles de soprano, contralto, ténor el basse prirent dans l'harmonie la place qu'elles occupent dans l'échelle sonore. Grâce à cette heureuse réforme, déjà essayée par Mozart, Cimarosaet Paesiello, les ténors rem- placèrent les castrats dans la préoccupation du compositeur, et il leur assigna, dans presque tous ses ouvrages, le rôle pré- pondérant. — Et ce fut là un grand progrès et par dessus 31