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422                       CHRONIQUE LOCALE.
ornement, le costume bizarre im simple accessoire ; mais au fond, ils
emportaient la pièce et parfois lançaient le scandale à tout casser. On
 ne pouvait leur en vouloir, ils étaient fous.
    Le Toqué est resté sérieux, irop sérieux ; il s'est promené au milieu
•des lecteurs comme ces jeunes beaux qui, dans un bal, sourient avec
 grâce, arrondissent leurs gestes et leurs poses et conservent leur di-
 gnité. Quelques numéros gentiment écrits, quelques articles bien
tournés n'ont pu vaincre la distraction du public. Malgré son titre
 alléchant, sa vignelte, et les oripeaux qui ornaient son costume, le
 Toqué, vivement applaudi à son entrée, a vu peu à peu le câline se
 faire autour de lui ; la, peur l'a pris, le froid l'a saisi ; au lieu de
renverser les tables pour attirer l'attention, sans se plaindre il a gagné
la porte, il est sorti et, comme tant d'autres, il s'est éteint dans l'ombre
 et dans l'oubli.
    Le Tintamarre et le Cocodès, morts.
    Le Lyonnais aussi est mort. Son Directeur disait comme Médée:
                  Moi seul, et c'est assez.
    Malheureusement, lancé un peu à l'étourdie sur nn parquet glis-
 sant, il a perdu l'équilibre et sa chute a été si violente qu'il est resté
 sur le coup. Habent sua fa ta libelli.
    La Tour Titrât n'a pas survécu à ses infortunés frères. En vain
 avait-elle essayé de souiller l'ode et l'épopée, hors des fourreaux les
 coups d'épée, ies forfaits hors du cœur des rois, elle est tombée dans
l'ouverture de l'impossible qui luisait à ses pieds.
    Le Sifflet, ayant dès sa naissance la mort sur son dos, pour conti-
nuer le langage du poète notre maître, n'a agité qu'un jour sa grande
 aile. Il s'est suicidé lui-même, connue un voleur qui, se voyant pour-
 suivi, se jette au fond de la rivière afin d'échapper au châtiment. Pour
 un mois de novembre ne voilà-t-il pas une jolie collection de feuilles
tombées ?
    La littérature a-t-clle beaucoup à s'enorgueillir du Drapeau de
 Bellecour, de l'Union des Bas-Biens, de la Claque et de la Lanterne
 magique, qui ont donné chacun leur numéro d'essai? Triste ! triste!
disait Shakespeare. Triste ! triste ! répéterons-nous après lui, et voilà
 Guignol et Gnaffron — Arcades anibo —. seuls maîtres de la place,
 grâce à leur talent unique de parler le gourguillonais.
    Vite, vite, réfugions-nous dans le roman; là est la grâce, la finesse
 et le bon ton. Lisez le Gendre d'un Opticien, histoire lyonnaise, par
 Victor Corandin, mais gardez-vous bien d'inscrire sur vos tablettes le
nom de l'auteur. Corandin n'est pas un nom lyonnais, c'est un affreux
pseudonyme, un masque à jeter au loin quand on aura dit au jeune
 écrivain: « Montrez votre visage, Monsieur, et venez prendre place
 dans le monde des lettres. Votre nom est connu dans les affaires?
tant mieux ; votre signature n'en sera pas moins honorée pour avoir
été tracée parla plume hiimouristique qui a décrit si pittoresquement
Lyon, Nice, la Corse, les amours d'Arcaneri, les caprices du Malin,
les délices de Coinbarambert et célébré les exploits do la vieille
 Sarti. »
    Pendant que M. Méra écoule le Gendre d'un Opticien, de manière à
lasser l'habileté du brocheur, la maison Schenring expédie aux gour-
mets littéraires le curieux volume de M. lîrouchoud : Les Origines du
 Théâtre de Lyon, mystères, farces et tragédies, troupes ambulantes,
Molière, avec fac-similé notes et documents. Ce volume est une étude
 précieuse dont la Revue fera prochainement le compte-rendu.