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VOYAGE DE LYON A YENNE. 391 Là -dessus le bonhomme exhibe une façon de grande t a - batière. Elle contient une douzaine de pièces assez informes douillettement couchées sur le coton, comme des bijoux; mon collègue n'est pas de première force. Le n° 1, me dit-il, est une corbeille antique sur laquelle j'ai gravé une théorie grecque. Voyez les prêtresses, les vierges, les éphèbes et les canéphores. Le n° 2 est une bar- que moderne avec une scène de canotiers... « Sujet égril- « lard, eh ! eh ! sacrifice au goût de l'époque!... Voici une « urne avec le cuirassier de Géricault et un groupe de la « Méduse. Monsieur, je vous recommande le n" 3. C'est mon « chef-d'œuvre : Un casque gaulois, Monsieur!... » Un fragment de noyau de prune criblé d'une infinité de pelils trous à mi-bois!... Le bonhomme m'affirme que cela représenle un épisode de la guerre d*Italie : « La mort d'un « officier de mes amis, Monsieur. Ce casque m'a coûté bien « du travail; mais je le destine à la famille du défunt. On « ne doit pas compter quand il s'agit de soulager la dou- ce leur !... » J'ai besoin de toutes ces explications... pour ne rien dis- tinguer quand môme. J'admire sur parole. M. E. avise un2 coque d'amande ravinée comme une vieille écorce : « N'est-ce point le passage du Saint-Bernard, sous « Napoléon I e r , que vous avez ébauché là ? — Pas précisé— « ment, Monsieur, c'est le portrait des quatre sergents de la « Rochelle. —Singulier! il me semblait apercevoir ici des « troncs d'arbres creusés pour recevoir les canons, là un « chemin tortueux, des troupes en marche, des précipices, « le toit du couvent, et n'est-ce pas un molosse presque fini, « là , sur cette saillie de roc ! » Le bonhomme suit avec un intérêt profond ces burlesques indications, et voit clairement, ce que mon compagnon ne voit pas du tout. « Messieurs, « dit-il, on gagne toujours au commerce des gens de goût...