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330 CINQ JOURS A DRESDE. chacun mettait en usage ses connaissances dans la langue française et les souhaits les plus chaleureux nous étaient lancés en phrases plus ou moins correctes mais toujours très-compréhensibles. Dans l'intention de nous être agréa- ble on criait beaucoup : « Vire l'empereur! » Souvent ce cri était poussé avec une conviction touchante par quelque vieux grognard de l'ancienne légion saxonne, décoré de la médaille de Sainte-Hélène et qui, à notre vue, paraissait regretter le beau temps de la redingote grise. Souvent le souhait qu'on nous adressait prem.it l'importance d'un manifeste; ainsi j'ai entendu crier : «Vive Louis-Napoléon, le prince du progrès ! » Des Polonais et des Hongrois nous qualifiaient de « protecteurs des peuples. » Etait-ce un re- proche ou une prière? Sur la place du nouveau marché on avait dressé des es- trades pour les curieux ; la place était couverte d'une foule compacte; les fenêtres étaient garnies de têtes depuis le rez-de-chaussée jusqu'aux mansardes et les toits surchar- gés de gamins. A l'arrivée du cortège, un hourra musical poussé par les sociétés fut répété par la foule immense et forma un accord parfait tellement, formidable qu'il me sem- bla que la voûte du ciel en allait éclater. Se iigure-t-on bien deux cent mille personnes poussant, non pas un cri, mais un accord parfaitement juste! C'est colossal ! Les cent jeunes filles vêtues de blanc et couronnées de chêne qui avaient présidé la veille à la bénédiction de la grande bannière, nous attendaient sur la place de l'Hôtel- de-Ville; elles étaient disposées sur deux rangs au milieu de la foule et portaient des corbeilles pleines de fleurs qu'elles nous offraient avec la meilleure grâce du monde. Je m'amusai à adresser la parole à toutes celles qui se trouvaient de mon côté et chacune me répondit en très-bon français. Je suis persuadé que nombre de mamans françaises se- raient scandalisées en lisant tous ces détails. Comment, les jeunes filles se mettent aux fenêtres pour sourire aux