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318 NOUVELLE de la vie militaire avaient enflammé sa jeune imagination ; la gloire de l'Empire, ses combats, les exploits du héros que son père seul avait brossé, tout cela avait séduit son âme, et il y avait des moments où, comme Renaud, il aurait voulu se soustraire aux enchantements de son Armide pour voler aux champs de l'honneur. Pedro Caréna survint avec sa sœur, et dans ce quatuor où tous étaient également affligés, aucun ne cherchait à consoler la douleur commune. Ludovico, Arcangelo et moi, aidés par le père de Fossati, nous parvînmes pourtant à tempérer le chagrin de ces aima- bles enfants; un petit déjeuner Cul servi ; puis, comme nous allions partir tous ensemble pour Nice, où le sort des deux pauvres conscrits allait se décider, survint le comte G o lui-même, qui se joignit à nous et voulut accompagner à l'Hôtel-de-Vilie les enfants de ses fermiers. Qu'on juge de l'émotion et des palpitations de cœur de ces deux jeunes couples à mesure que l'on approchait davantage de l'Hôtel—de-Ville de Nice. SperatJ et Silvia ne purent ja- mais se décider à entrer dans la salle où tout était préparé pour le tirage au sort. Leurs fiancés y pénétrèrent, s'effor- çant de faire bonne contenance, et, refoulant au fond de leur cœur les émotions qui auraient trahi leur faiblesse amoureuse et qu'on aurait pu prendre pour une crainte d'être soldat, indigne de leur courage. C'était un spectacle imposant et douloureux que celui de tant de pères désolés entourant leurs jeunes fils sur le point de mettre leur main dans l'urne pour en retirer un numéro qui pouvait les enlever à l'attachement de leur famille, aux secours qu'ils lui donnaient dans leurs travaux, à des habi- tudes d'ordre et d'activité, pour les lancer dans les périls d'une guerre peut-être prochaine, ou dans une existence