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218 CINQ JOURS A DRESDE. pour nos fêtes éphémères, ne rendent en aucune façon l'im- pression que produisaient les rues de Dresde préparées pour la Grande Fête des chanteurs. Plusieurs années avaient été employées à organiser la réception des Sociétés ; la décoration de chaque maison avait été longuement méditée ; on avait mis à profit tantôt le style de l'architecture, tantôt tel ov te] souvenir histo- rique; comme il s'agissait de recevoir les chanteurs de quarante nations différentes, toutes les couleurs del'are-en- ciel étaient employées et chacune avait sa signification spéciale ; d'immenses oriflammes rouges, noirs et or, fixées aux toits des maisons, flottaient jusqu'à terre et représen- taient les couleurs de l'Allemagne unitaire; les Allemands, toujours amoureux des formes héraldiques, avaient utilisé tous les emblèmes possibles, et chaque façade était un li- vre où l'on pouvait déchiffrer les sympathies particulières du propriétaire. Lorsqu'une maison avait été habitée par quelque personnage célèbre, le fait était mentionné sur des transparents, et une promenade attentive dans la ville met- tait l'étranger au courant des particularités les plus cu- rieuses de son histoire. En somme, les édifices disparais- saient sous les guirlandes, les fleurs, les festons et les ban- nières qui les couvraient depuis le haut jusqu'en bas. Les nuances les plus vives éclataient aux yeux; tout flottait, tout •resplendissait, tout scintillait, et l'âme devenait joyeuse devant ces préparatifs éblouissants. Le parcours de la gare à l'Hôtel-de-Ville fut une ova- tion. A chaque fenêtre des mouchoirs s'agitaient, des vi- vats éclataient et les chanteurs, émus de cet accueil, répon- daient par de vigoureux hourras aux bravos des habitants. A l'Hôtel-de-Ville le -vin d'honneur fut offert aux nou- veaux arrivés, après un discours chaleureux prononcé par un des membres du comité organisateur; un énorme vi- dercome en argent ciselé, rempli d'un vin généreux, passa de main en main et de bouche en bouche et par cette sorte de communion les cœurs s'unissaient.