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                     CHRONIQUE LOCALE.


   La grève dure toujours. Elle change avec ses adorateurs, mais,
comme le couteau de Jeannot, c'est toujours la grève ; il n'y a que la
lame et le manche de changés.
   Aujourd'hui ce sont les maçons qui se reposent. Les démolitions se
font par des hommes de peine, mais c'est quand il faudra bâtir qu'on
sera embarrassé.
   Dût Lyon en périr, les fabricants peuvent faire fabriquer à la cam-
pagne, les teinturiers teindre en Suisse, les tullistes, les rubaniers,
s'arranger suivant les circonstances; mais les entrepreneurs, les ar-
chitectes et Messieurs les propriétaires ne peuvent ni faire durer
éternellement les vieilles maisons, ni bâtir des rues au milieu des
champs pour les amener dans les villes sur des roulettes. 11 n'y au-
rait qu'un remède, revenir à la douce vie des patriarches et habiter
sous la tente. Quelles belles avenues l'Administration pourrait lancer
le long de nos deux fleuves ! Que de vastes places ! Que d'immenses
boulevards ! Et si l'alignement ne convenait pas, quelle facilité pour
avancer ou reculer! Les enfants de la Creuse y ont-ils songé? La me-
nace est sérieuse. Qu'on pose des affiches, que le cri: à vos tentes !
retentisse, et bientôt nous verrons les truelles et les oiseaux reparaître
au plus haut des murs, ou si non qu'on fasse filer de la toile !
   Autre grève! D'un bout de la France à l'autre et non plus à Lyon
seulement, les vastes salles, si pleines de bruit naguère, se vident et
font silence ; les établissements se ferment, les chefs errent dans les
longs corridors et font leurs malles ; car, que deviendraient-ils seuls et
abandonnés? C'est la grève des écoliers, c'est la révolte contre la
grammaire, c'est l'insurrection contre le De viris: hourra! pour la
liberté ! Adieu, Lycée impérial ; adieu, collège de Saint-Rambert!
Adieu, Chartreux ; adieu. Minimes; adieu, répétiteurs de la place du
Consulat ; vivent nos mères ! et mort aux petits oiseaux !
   Eh! que de grèves, encore! celles des poètes, des savants, des mu-
siciens ! Plus de livres, plus de concerts ! En fait de produits de l'in-
telligence on a les Mémoires de . . . . . . qui viennent de Londres ; les
petits volumes de         ., qui'viennent de Paris, et Guignol; en fait
de concerts, une nuée de petites filles déguenillées "qui tourmentent
un pauvre violon et des orgues de Barbarie quand on va dans la ban-
lieue. Et cependant le besoin du beau et du bon se fait sentir, j'en
atteste cette foule qui couvre B.ellecour, de huit à dix heures du soir,
quand la musique des Lanciers se fait entendre; innovation charmante
qui permet de jouir d'un vif et noble plaisir en goûtant la fraîcheur du
soir. Le repos sous les marronniers, aux accents de Guillaume Tell ou
de Robert, vaut mieux au corps et à l'esprit que les exhibitions de
Chinois à la brasserie.
   Grève triste et sombre celle des nouvellistes qui ne savent comment
alimenter leur journal. Du temps de nos pères on avait le grand ser-
pent de mer et le veau à deux têtes ; aujourd'hui nous sommes plus
raffinés et le serpent ne passe plus. — Garçon ! du neuf ! — Voilà!
Voilà!— Qu'avez-vous? — D'abord, un brochet pris dans la Loire,
il pèse autant qu'un sapeur, mesure un mètre et demi et on a trouvé
dans son estomac un couteau à deux lames, une petite clé et la gar-
niture en acier d'une bourse. « Sans doute, ajoute le Mémorial, il
avait digéré la monnaie. » — Probablement. —