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436                 LETTRES S«K FïUBOURG

encaissé dans un cercle de collines tapissées de noirs sa-
pins , et traversé par un obscur ruisseau qu'on nomme
l'Alpbacli. La nature n'a rien fait pour embellir ce lieu ; il
est âpre, sauvage, et, avant de recevoir quelques habitants,
il a dû être un affreux désert. Rien n'en coupe la stérile
monotonie. Les pointes grises des Mythen et les glaciers
du Glârnisch qui se laissent voir dans le lointain , ne
s'harmonisent point avec ce qu'on a sous les yeux; l'Alp-
bacli lui-même n'est qu'un torrent qui fuit sans grâce à
travers des rives dépouillées. Mais l'aspect de ce lieu n'en-
gendre point la tristesse, et l'air qu'on y respire est un air
de recueillement et de paix. D'où vient donc le charme de
ce lieu ? Il vient, mon cher ami, d'un sanctuaire qui se pré-
 sente tout à coup à vos regards, et où l'on trouve une image
traditionnelle de la Vierge Marie qui en fait, après Notre-
Dame de Lorette, le pèlerinage le plus célèbre et le plus
fréquenté de l'Europe.
    L'origine de ce pèlerinage remonte au IX e siècle. A cette
époque , un grand seigneur allemand , nommé Meinrad ,
vint demander à la solitude d'Einsideln un asile pour se
 livrer en liberté à la prière et aux saintes rigueurs de la
pénitence. Il se bâtit une cellule, et vécut, pendant quel-
ques années, sans autre société que celle des bêtes féroces
qui peuplaient les forêts. On le découvrit et il ne fut bien-
tôt plus seul. Hildegarde, fille de Louis le Germanique,
étant devenue abbesse du monastère de Zurich, en 853 ,
entendit parler des vertus et de la sainteté de Meinrad , et
lui fit construire à côté de sa cellule une chapelle que le
serviteur de Dieu consacra à Marie, et qu'Hildegarde dota
d'une image de cette Vierge mère , la même que l'on voit
encore. Dès ce jour, la cellule et la chapelle du saint ermite
ne cessèrent d'être visitées ; les miracles s'y succédèrent ;
la statue de Marie fut surnommée l'image miraculeuse, et
la forêt sombre, dont les populations voisines n'osaient ap-
procher, de peur des bêtes féroces, devint un lieu béni.
  Après la mort de Meinrad, arrivée en 861, sa cellule et