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510 UNE NOCE. ajouta-t-il en riant, j'aurais pu devenir maréchal de France comme un autre ; car les balles ne m'ont jamais fait peur, et je me suis battu, à Magenta, avec un bon coup de baïon- nette autrichienne dans le bras gauche, mais le bonheur vaut mieux que les honneurs. Le brave garçon partit. Louise, à qui Marie voulut mon- trer sa nouvelle installation, parcourut avec Frédéric toutes les pièces du" moulin, où tout respirait l'ordre et la gaîté. Enfin, atlrislés tous les deux par la joie des deux jeunes mariés, ils reprirent le chemin des Grandières. — Ils sont heuieux, dit Frédéric, au moment où ils arri- vaient et où Louise, brisée de fatigue morale, se laissait al- ler sur un fauteuil du salon. — Heureux ! qui ? dit-elle. — Claude et Marie. — Ah ! c'est fort simple : ils s'aiment. — Ne nous aimons-nous pas? dit-il avec un accent de reproche. Il y a peut-être dans tout ceci un'malentendu. Je tiens pour ma part à tout ce que je vous ai dit et que je crois être fort raisonnable. Cependant, faites-moi quelques objections, dites-moi ce qui vous déplaît le plus, dites aussi que votre résolution n'est pas inébranlable, car nous ne pour vons nous séparer ainsi. —• Vous sentez donc que c'est sérieux, puisque vous par- lez le premier de _ séparation. Descendez dans votre cœur, Frédéric, et vous y verrez que. vous ne m'aimez pas. — Vous vous trompez ; je vous aime ! — Vous vous trompez, vous-même ; je vous plais seule- ment: ce qui est bien différent. — Et vous, Louise ? — Moi, dit-elle tandis que son front se revêtait d'un nuage pourpré qui fit place bientôt à une pâleur mà tte et calme, la pâleur des résolutions amères, j'ai pour vous une