page suivante »
UNE NOCE. 405 Vous ne me connaissez pas ! Vous avez donc oublié notre enfance? Est-ce à moi à vous rappeler le temps où vous ne me disiez pas ce vous que je force mes lèvres à prononcer, tandis qu'elles sont toujours prèles à dire le loi des anciens jours?N'est-ce pas par ce sentier que nous allions dans la prai- rie? Ne te fâchais-tu pas, quand je donnais mes bouquets de violettes à tes petites amies? car mes fleurs t'appartenaient comme tes fleurs étaient miennes et nous en faisions une gerbe que nous apportions à nos mères ; mais alors tu m'ap- pelais — Oui, je me souviens, dit-elle en l'interrompant à son tour, mais depuis que nous nous sommes quittés, n'avons-nous pas changé tous les deux ? . •—Que'lu es raisonnable, Louise! — Vous trouvez? dit-elle en hochant la têle. — Oui, trop raisonnable et pourtant peu conséquente avec toi-même, tu as fait ce mariage d'aujourd'hui et cependant ces deux mariés s'étaient quittés sept ans; lu as donc pour toi des craintes que tu n'as pas eu pour eux, tu as donc joué leur avenir plus aisément que lu ne veux jouer le tien? Ah ! crois- moi, c'est le cœur qu'il fauf écouter, et quand il parle, sa loi anéantit toutes les autres. Dis, le crois-lu? — Oui, dit-elle avec effusion et entraînement. — Vous êtes-vous bien amusés, mes enfanls, ou plutôt êtes-vous contents d'avoir contribué au plaisir de tous ces braves gens? dit M. Girard qui venait à leur rencontre et qui les rejoignit en ce moment près du perron. Louise répondit à son père.en lui faisant un court tableau des amusements de la soirée, mais Frédéric fut dépité d'avoir été interrompu précisément lorsque la conversation prenait un tour aussi intime et il garda le silence le plus maussade. Le lendemain, Frédéric chercha vainement à parler à Louise, il devait partir à deux heures et aurait désiré em-